
Un modèle révolutionnaire à succès :
Alfa Roméo, les années passant, produit de plus en plus de véhicules. Du très haut de gamme quasiment sur mesure, ce constructeur, sous la houlette du gouvernement italien, propose une gamme de plus en plus large de modèle de plus en plus abordable après la seconde guerre mondiale. Les modèles ne sont plus des exclusivités réservées à une élite mais se démocratise sans perdre pour autant de leur superbe. La gamme s’étend et se démocratise pour couvrir les besoins sportifs de toutes les couches de population.
De cette logique, la production d’un modèle encore plus petit, plus économique à l’achat mais sans pour autant remettre en cause le passé de la marque et sa sportivité affiché, une berline compacte en d’autres mots revient durant les années 60 comme une future bonne idée. La petite familiale se doit d’être ajoutée au catalogue de la marque afin de d’aider la marque à ne pas étouffer fac à une concurrence qui ne sait plus où sont les limites. Si la descente en gamme d’Alfa n’a pas toujours été bien vue par les passionnés de la marque, cette nouvelle venue est, par ses choix techniques, une étrangère pour eux et une véritable nouvelle expérience pour tous les autres. Cet essai sera transformé en un très gros succès que peu de gens prévoyaient. L’Alfasud se prépara à naître. Un des hommes clé de ce projet est l’ingénieur autrichien Rudolf Hruska. C’est sous sa direction de projet que va se dessiner la nouvelle venue. Cet ancien de chez VW a travaillé avec entre autres Ferdinand Porsche.
Histoire d’une petite Alfa :
L’Alfasud n’a pas été le premier projet de petite Alfa. Dès 1952, 20 ans avant la présentation de la ‘Sud, Alfa comprend à quel point un petit modèle pourrait être rentable pour la marque. Un projet codé 13-61 est mis en chantier. Sur l’image de la Fiat 500, voiture économique et très demandée en Europe, une petite 750 cc à moteur bicylindre refroidi par eau est mise à l’étude. Ce moteur est un dérivé du 1300 de la future Giulietta dont 2 cylindres ont été supprimés. Le moteur devait être en position transversal avant avec 4 freins à disques. Les coûts s’avèrent immédiatement trop élevés pour Alfa qui jette l’éponge.

Il y a eut quelques années plus tard une nouvelle étude de menée, toujours pour une petite Alfa, le type 103. En 1960, le prototype d’un véhicule plus petit que la Giulietta est construit. Le moteur respectant l’architecture habituelle maison, est un 1000 cc 4 cylindres en ligne et double arbre placé en position transversale avec une boite à 4 rapports. La puissance est de 52 ch à 5500 tours/m pour une vitesse maxi de 130 km/h. Trois moteurs ont été produits afin de réalisés des tests sur une carrosserie 4 portes avec un style qui sera utilisé pour la berline Giulia à venir. Ce prototype, ainsi que ses dessins d’études sont d’ailleurs visibles dans le musée d’Arese. Le projet est à nouveau ajourné suite à des accords entre Fiat et Alfa, l’un produisant de petites autos économiques et l’autre des berlines sportives. Les marques ainsi ne se chevauchent pas sur le marché automobile. Un pacte de non agression qui ne tiendra pas…

Type 103 photo d’époque

Type 103 au musée

Moteur du type 103
Il faut attendre 7 ans pour qu’une nouvelle étude de petite Alfa soit relancée par l’ingénieur Giuseppe Luraghi. Alfa appartenant au gouvernement italien, cet ingénieur trouve dans son propriétaire le financement pour étudier une petite Alfa à condition que la production soit située dans le sud de l’Italie. Fiat n’est pas du tout enthousiaste qui voit une rupture aux accords (tacites) passés. Fiat tente de retarder la sortie de cette nouvelle petite Alfa dont elle craignait un succès potentiel, jusqu’à plaider sa cause au gouvernement mais en vain. La riposte De Fiat fut la Dino et la Fiat 130, un pied dans le haut de gamme !
Rudolf Hruska réuni une équipe de 27 spécialistes dont certains débauchés de chez Fiat. Ainsi les suspensions sont confiées à Dominique Chirico (ex Autodelta et Porsche), le style à Giorgetto Giugiaro (qui vient de lancer Ital Design), l’industrialisation à Aldo Mantovani et Carlo Chiti (ex Autodelta), le moteur est l’œuvre de Agazzano et Frédéric Hoffman.
Le projet, au niveau financier est une réussite puisqu’il coûte 10% moins cher que prévu, l’état italien étant très présent et demandant régulièrement des comptes rendus précis sur l’avancement du projet. Il fallu 48 mois de travail afin d’accoucher d’une auto révolutionnaire pour Alfa Roméo.

Des choix techniques :
La nouvelle venue va cumulée les choix avant-gardistes pour une marque comme Alfa Roméo. Jugez plutôt : Première Alfa a être produite dans le sud de l’Italie, première traction de la marque et nouveaux moteurs boxer sur tous les modèles… Et ce n’est qu’un début alors que nous n’en sommes qu’aux études du projet.
Afin de produire la nouvelle Alfa, une usine sort de terre. Entièrement nouvelle et plus moderne que jamais, le choix de son emplacement est une première révolution. C’est le sud de l’Italie qui est choisi. Le terrain, peu cher dans cette partie du pays, appartient déjà à Alfa. Ce sont 240 ha qui vont servir de base à une usine mais aussi à une piste d’essais qui sera nommée Balocco. La main d’œuvre du sud, historiquement plus pauvre, plus agricole qu’industrialisée que le nord qui est plus proche des pays frontaliers et européens, migre vers le nord depuis des années. Cette nouvelle usine située à Pomigliano d'Arco, permettra de retenir cette main d’œuvre là où elle vit. D’ailleurs, le nom de cette nouvelle Alfa, Alfasud, vient de cette implantation : L’Alfa du sud peut naître. Les études de cette nouvelle voiture débutent en 1967 avec les premiers coups de pelles données l’année qui suit pour construire l’usine.
La construction de cette usine va durer et durer… Elle débute le 29 avril 1968 mais la première voiture à sortir des chaînes attendra 4 ans. Durant ces 4 années, ce sont de nombreux mouvements sociaux qui remuent le sud de l’Italie. Les ouvriers bâtissant cette usine réclamaient le droit d’être embauchés comme ouvriers une fois l’usine terminée. Il y avait 25 000 postes à pourvoir pour plus de 130 000 candidats. Des grèves, des manifestations… Voilà le quotidien de ces 4 années. L’usine subissait durant sa construction des contre temps incroyables puisque les ouvriers partaient, par exemple, récolter les tomates, activité génératrice d’emplois dans ce sud de l’Italie si pauvre par rapport au nord.
Le début de la production de la ‘Sud sera d’ailleurs aussi très difficile car la main d’œuvre n’est pas assez qualifiée. Transformer des maçons ou des ouvriers agricoles en quelques jours n’est pas simple et les premiers modèles vont en subir les conséquences. Il a aussi fallut convaincre des ouvriers du nord à déménager vers le sud afin de former et suivre la production dans cette nouvelle usine.

Le style de cette nouvelle Alfa est confié à Giorgetto Giugiaro. Le projet 103 était très Alfa dirons nous dans son style au début. C’était en quelque sorte une Giulia simplifiée et en réduction avec une ligne très caisse à savon, très conventionnelle et traditionnelle pour Alfa. Le dessin final de la ‘Sud sera pourtant tout autre. Il est intéressant de savoir que ce même designer a participé chez Citroen, au projet qui aboutira à la GS, autre berline à moteur boxer. La ligne générale est celle d’une berline 2 volumes mais elle n’a pas de hayon, juste une trappe arrière qui n’englobe pas la vitre… tout comme la GS. La carrosserie est donc une 4 portes avec une ligne relativement agressive et arrondie sur l’avant. Le profil est plutôt bas sur l’avant annonçant de nouveaux concepts en matière de design automobile pour les années à venir. L’implantation basse et la compacité du moteur rendent possible cet avant improbable sur une voiture concurrente. L’arrière tronqué est par contre plus massif et ramassé pour apporter une touche plus sportive, car il ne faut pas l’oublier, c’est une Alfa avant tout. Le résultat est un cx de 0,40.
Dans la partie invisible, de nombreux caissons de renforts seront implantés afin de gagner de la rigidité sur une caisse qui se devait d’être légère. Au final, le premier modèle ne pèsera que 830 kg.

Premiers dessins
Au niveau de ses dimensions, L’Alfasud est une vraie compacte : longueur de 3,89 mètres, largeur de 1,59 mètres, hauteur de 1,37 mètres sur un empattement de 2,455 mètres. L’habitabilité a été optimisée dans les moindres détails. La forme de la banquette arrière par exemple, le positionnement du réservoir à carburant sous celle-ci afin de laisser plus de place au coffre, l’absence de tunnel central dédié à la transmission,… L’accès au coffre à bagages sera par contre assez critiqué pour son coté étriqué.
Le moteur est lui aussi une petite révolution. Pour un petit modèle, il reste à 4 cylindres, mais afin d’offrir plus de légèreté et de compacité, il est de type boxer, c'est-à-dire à cylindres à plat opposés. Il est refroidit par eau et prend place en position transversale sous le capot alors que la tradition des moteurs longitudinaux est encore très présente. La première cylindrée extrapolée de ce nouveau bloc est de 1186 cc avec une puissance de 63 ch. Les soupapes sont alignées, commandées par un seul arbre à cames pour chaque paire de cylindre.


Une boite à 4 rapports synchronisés est associée à ce moteur.

Le freinage est à 4 disques sur tous les modèles, ce qui constitue encore une belle performance pour l’époque où quelques constructeurs commencent à parler de sécurité. Les disques de freins avant sont accolés à la boite sur le train avant (et non pas derrière les roues) et servent au frein à main. Par contre, il n’y a pas de servofrein !


Les suspensions sont du type McPherson pour l’avant et c’est un pont arrière rigide avec un parallélogramme de Watt que l’on trouve à l’arrière.

L’intérieur est très moderne pour l’époque et reprend les thèmes des années 70 avec une touche sportive. Les compteurs ronds, le volant à 3 branches sont dans le ton de l’époque. Détail rare et soigné pour l’époque, le réglage en hauteur du volant est de série. S’il manque un compte tours, l’instrumentation et l’équipement n’est pas bas de gamme du tout. Le contacteur de démarrage, petite originalité, est à gauche du volant. L’équipement sera toutefois revu très vite car de petits manques se font sentir.
A la fin de l’année 1967, le moteur est validé et le 10 juillet 1968 débutent les premiers tests sur prototypes roulant. La carrosserie de son coté arrive à son terme du développement un peu après pour un test grandeur nature avec le moteur le 1er novembre de cette même année. Les tests ont été rudes se déroulant aussi bien en Italie qu’au cercle polaire arctique ou encore dans les déserts africain.

Premier prototype roulant

Premiers tests
Au salon de Turin 1971, Alfa présente des modèles de pré série en 4 portes uniquement. Le coach à 2 portes n’est pas encore disponible même s’il est prévu depuis le début du projet.
Les puristes de la marque font la grimace car cette auto, que ce soit dans son style ou son architecture n’est en rien une Alfa Roméo. Pour beaucoup, c’est la fin d’une époque, une rupture vécue comme une blessure mortelle qui ne sera jamais soignée. Le début de la fin ?