Alfa 164
Publié : mer. 02 mars 2011 4:26 pm
Berline de logique de groupe et de relance :
Depuis 1986, Alfa Roméo est dirigé par le groupe Fiat qui compte sur cette marque pour se hisser vers le haut et surtout dans le domaine sportif. L’Alfa 90, une berline basée sur le châssis étroit et obsolète de l’Alfetta à laquelle on a greffée les moteurs les plus puissants, dont le dernier v6 2,5l de la marque et un turbo diesel, est un échec commercial. Fiat souhaite reparti d’une page blanche pour son nouveau haut de gamme en lui donnant toutes les chances de réussir. Toutefois, cette nouvelle étude verra naître plusieurs modèles. De la Fiat Ritmo, on a dérivé la Lancia Delta 1, de la Fiat Panda, on a extrapolé la Lancia/Autobianchi Y10. La logique de groupe joue à plein. D’un même châssis naîtront 4 voitures : l’Alfa 164, La Lancia Thema, La Fiat Croma et la Saab 9000. Toutefois cette histoire, vue de chez Alfa Roméo n'est pas toute rose.
Alfa Roméo compte des modèles qui sont de moins en moins au goût du jour et dont la réputation n’est pas enviable malgré de fortes qualités en ce début des années 80. Les 33 sont des Alfasud habillement restylées, les 75, des Alfetta plus dynamiques et les coupés de la gamme (Sprint et GTV, sont issus de berlines en fin de vie. La gamme n’est pas d’une franche modernité, les problèmes sont nombreux et la qualité de fabrication est ouvertement critiquée.
La 164 se doit de changer tout cela en lançant à la fois un nouveau style pour la marque, trouver sa place dans le groupe Fiat/Lancia où les positions de chacun restent à affirmer, et redresser la barre de la qualité/fiabilité.
Pourtant, longtemps le doute a été permis quant à la sortie de cette 164 car nombreux étaient ceux qui estimait qu’elle cannibaliserait la Lancia Thema déjà sortie en 1984 dans le domaine de la grande berline italienne avec une image de haut de gamme. La gestation de la 164 a été lancée bien avant le rachat par Alfa et s’avérera un succès propre à aider au redressement de la maison milanaise.
Un modèle à part de ses petites sœurs jumelles :
Le projet de l’Alfa 164 fut l’un des plus compliqué à mettre en place chez la vénérable firme milanaise mais pas seulement à cause du rachat d'Alfa par Fiat. La genèse remonte à la fin des années 70 alors que l'Alfa 90 va être lancée et qu'il faut pensée à un projet plus moderne et plus habitable qui n'est pas un simple replâtrage. L’origine du projet consistait à remplacer 2 modèles en même temps: la Giulietta et l’Alfetta toutes 2 dérivant du projet 116 né au début des années 70. Les projets 154 et 156 (respectivement) naissent dans cet optique. Dès le début, le remplacement des moteurs 4 cylindres double arbres qui datent un peu est une évidence afin d’optimiser les performances, les consommations, le couple... mais surtout de partager ces nouveaux blocs afin d’abaisser les coûts de recherches, de développement et de production. Des essais moteurs à double allumage (2 bougies par cylindre) et nommé Twin Spark sont menés. Pour le haut de gamme, le v6 encore tout récent chez Alfa est envisagé tout comme des motorisations diesel (provenant de chez VM appartenant à Fiat) qui commencent tout juste à intégrer la gamme en cette période (Alfa 6, Alfa 90).
Une audacieuse boite de vitesses à 6 rapports est au programme afin d’améliorer la consommation sur autoroute mais avec les 5 premiers rapports rapprochés afin de conserver un brio naturel à la marque quant à ses motorisations.
L’espace habitable est au cœur des préoccupations afin d’effacer les critiques posées sur le châssis de l’Alfetta jugée trop étroit. Les remplaçantes doivent être plus larges mais aussi plus longues. Le cahier des charges parle de 4,25m pour le projet 154 et de 4,50m pour la 156.
Enfin, l’aérodynamisme devient une nouvelle donnée au problème. Les crises énergétiques poussent les centres de style à intégrer les flux d’air dans leurs recherches. Un Cx de 0,36 est alors envisagé dès le départ alors qu'Audi sort sa nouvelle berline 100 et son fabuleux 0,30 de Cx, ce qui incite Alfa à revoir sa position et optimiser encore plus sa copie.
Le gouvernement italien refuse d’aider à financer ce double projet : le véhicule est jugé non viable, le marché saturé et le projet 154/156 mourut chez Alfa car l’argent manquait trop pour poursuivre les études… avant que ne renaisse le projet 156 sous une autre forme. Si du projet 154 il ne reste rien à ce jour, stoppé immédiatement, le projet 156 ira timidement plus loin avec des prototypes roulants en 1980.
En 1981, un changement de taille intervient et une lueur d’espoir renaît. Chez Lancia, alors concurrent, une réunion annonce les bases d’un nouveau projet de grande envergure car de celui-ci doit découler non pas une Lancia mais aussi une Fiat d'autres modèles pour de nouveaux partenaires comme Saab. Fiat annonce que la voiture est déjà en expérimentation chez Lancia avec une longueur de 4,53m pour un empattement de 2,66m, ce qui correspond à des critères du projet 156 chez Alfa qui n'avance pratiquement plus. Une commercialisation au printemps 1984 est envisagée pour la Lancia et Alfa est convié à se joindre à cette nouvelle aventure. Le projet T4 est déja bien avancé à cet instant. Il doit permettre à Lancia de sortie sa Théma, Fiat, sa Croma, Saab, sa 9000 et Alfa… sa nouvelle 156 qui est rebaptisé projet 164 afin de se différencier du projet quasi abandonné. L’association d’Alfa est un plus pour ce projet mais cela permet surtout à Alfa de se sortir de son mauvais pas financier en ayant un partenaire qui développe pour lui un véhicule en grande partie dans une catégorie dont on sent le potentiel.
Déjà depuis quelques mois, des mulets circulent. Pourtant, c’est bien la future Lancia Théma qui se cache derrière ces pseudos Lancia Trévi qui ont des dimensions pas tout à fait correctes même si cela ne se voit très difficilement. La presse parle donc d’un simple rafraîchissement de la Trevi et non pas d’un nouveau modèle, n'ayant pas connaissance de l'alliance entre les constructeurs pour développer un modèle commun. Ces marques étant en difficultés financières, il parait alors improbable qu'elles puissent sortir une telle grande berline... sauf si l'étude (sécrète) est commune.
Le projet avance malgré toutes les difficultés et les prototypes se succèdent chez Lancia. Si le style extérieur se rapproche du modèle définitif, l’intérieur se cherche encore à cette époque. De nombreuses pièces devant être communes, on pense retrouver plus que des similitudes aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de ces futurs haut de gamme.
Coté Alfa, il était prévu de débuter la gamme par un 1600 cm² pour le projet 154 et de le faire suivre par un 2,0l et enfin y ajouter un diesel prévu pour 2,5l de cylindrée. Avec l'arrêt du projet 154, le 1,6l est abandonné. C'est un mal pour un bien puisque ce la limitera les coûts d'études, développement et production des moteurs pour la 164 mais d'autres difficultés viendront au final ternir le bilan financier. Un des points importants et non des moindres des projets avortés se basaient sur une architecture pour des véhicules à propulsion alors que la nouvelle plate forme est une pure traction. Chez Alfa, sur les planches à dessin et sur les prototypes, le style, l’intérieur, les mécaniques… tout était prévu pour une propulsion. La copie est donc à revoir et en profondeur.
Le style a des faux airs de berline 6
Le problème majeur pour Alfa vient du fait que c’est Lancia qui développe la base technique et l’adapte à ses propres besoins. Alfa avait prévu des moteurs en position longitudinale alors que l’étude est partie sur des moteurs transversaux. Adapter tous les moteurs à cette nouvelle disposition est ruineux. De même, intégrer la boite à 6 rapports prévue pour le projet 156 n’est plus possible alors qu’elle était prête à être industrialisée. Elle doit être, la mort dans l'âme, abandonnée.
Enfin, à cause de taille du compartiment moteur et du train avant, le v6 est lui aussi difficile à poser sous le capot de la T4 (code projet officiel). Seule solution : le mettre en position transversale, ce qui sera fait mais au prix d’une modification de la partie avant de la plate forme qui sera donc propre à l'Alfa. Il est estimé que le coût de la nouvelle implantation mécanique à lui seul justifie un surcoût de 7 500 lires par voiture. Et les complications sont nombreuses. Adapter le v6 dans le coupé Alfetta GTV avait demandé beaucoup de travail et un nouveau capot moteur. Cette fois ci, l’adaptation sera encore plus difficile et sera en partie résolue par une admission différente mais aussi moins performante faisant chuter la puissance de quelques chevaux… Le nouveau projet 164 prend forme malgré tout avec des coûts importants qui n'étaient pas prévus.
De ces déboires, une collaboration plus étroite est signée entre les partenaires en 1982 afin de limiter les nouvelles mauvaises surprises. Dans cet accord, ressort aussi la fabrication pour Alfa de certaines pièces dans son usine de Milan pour tous les autres modèles comme les berceaux moteurs ou les sièges qui seront partagés par les 4 futures jumelles.
Au même moment, le centre de style maison et Pininfarina sont mis en concurrence pour le design extérieur de la future 164 et pour fin 1983, le projet final est tranché en faveur de la célèbre carrosserie italienne alors que la Lancia Théma va entrée dans les concessions d’ici peu. Le projet du centre de style maison était une remise à jour du projet 156 abandonné.
Un projet intermédiaire pratiquement finalisé.
Les études avancent et les premiers prototypes complets roulants sont prévus pour la mi 1985. Un an avant, les essais sur route ont débutés avec des carrosseries et des intérieurs non définitifs car le style va encore évoluer au fil des mois.
Afin de succéder à l’Alfa Arna qui était une Nissan avec une carrosserie compacte et un moteur Alfa, une autre version de la 164 roule au même moment mais avec une carrosserie qui se rapproche plus du projet 156 originel tout en reprenant le partie centrale. Toutefois, le projet n’ira pas plus loin. L'échec cuisant de l'Arna est trop important et les coûts de développements non prévus sur la 164 ont enterrés ce projet de 5ème jumelle.
La 5ème jumelle abandonnée
Le projet est mené tambour battant par Alfa et grâce à la commercialisation coté Fiat de la Théma, de nombreuses pièces sont ainsi testées et fiabilisées pour la firme Milanaise.
Les dernières hésitations en matière de style
Premier prototype à l’échelle 1 avec le style pratiquement définitif
Et ce qu’il en reste après destruction de l'ancienne usine
Le rachat d’Alfa par le groupe Fiat va retarder légèrement le lancement de la 164 et changer, encore une fois, un peu le projet. Par exemple, une version suralimentée du v6 mais avec une cylindrée de 2,0l était prévu dans les cartons depuis quelques mois mais nécessitait plus de temps pour voir le jour afin de reduire la cylindrer d'une part mais aussi d'y adapter un turbo. Les moteurs de plus de 2000 cm² sont surtaxés en Italie et la nouvelle direction de Fiat, veut absolument voir ce moteur être proposé... C’est une condition qui remet en cause le lancement de la 164 mais ce n'est pas la seule.
Le nouveau 2,0l a pris du retard dans son développement, faute de crédit ces dernières années chez Alfa. Il fut un temps envisagé de reprendre le 2,0l de la Théma pour le glisser sous le capot de la 164 mais en lui retirant les 2 arbres d’équilibrage ce qui devait lui faire gagner 5 ch environ. Toutefois, une Alfa devant rester une Alfa, sans ces arbres d’équilibrage, elle devait avoir un bruit moteur plus neutre et moins envoutant alors qu'il est particulièrement mélodieux sous le capot de la Théma. Cela parait impossible aux yeux des dirigeants et serait vécu comme un crime par les habitués de la marque. Les études moteurs seront donc revues pour sortir la gamme prévue et complète de moteur (excepté le 2,0l v6 turbo) avec une grande modernité (pas de recyclage d'ancien bloc déja connu depuis des lustres). Ce temps supplémentaire a d'ailleurs été mis à profit pour adapter la version de 3,0l du v6 à la place du 2,5l prévu initialement.