Lancia Gamma
Publié : lun. 11 janv. 2010 12:41 pm
Un destin blessé :
Lancia est une marque en plein renouveau durant les années 70. La gamme Beta s’élargit de plus en plus allant de la berline aux différents types de coupés en passant par des carrosseries les plus originales et inattendues comme la HPE. Ce renouveau de la marque vient du rachat par Fiat qui injecte assez d’argent pour remettre sur les rails du succès une marque qui n’arrivait plus à se sortir de problèmes financiers gigantesques. Les Beta ont été étudiées en urgence afin de vite renouveler l’offre car les Fulvia arrivaient en fin de carrière. Si à l’aube des années 80, les études des nouvelles voitures sont plus finement réalisées et plus longues, c’est pour aller vers une volonté de produire des autos plus charmeuses pour relancer définitivement la marque. La Lancia Delta va gagner ce pari durant les années 80. La Lancia Gamma aura plus de mal à la fin des années 70 à en faire de même.
Cette Lancia ne veut rien devoir au géant Fiat afin de ne pas se faire taxer de Fiat luxueuse. La Beta avait hérité de gènes de la part de Fiat. Lancia, c’est le raffinement et le luxe abordable à l’italienne avec une pointe de sportivité qui fait de cette marque un subtile mélange des genres, un cocktail à la fois doux comme son intérieur et fort comme le brio de ses motorisations. C’est sur cette base qui sont imaginée les nouvelles Lancia durant ces années.
La nouvelle venue est la suite logique :
Après les Beta, seconde lettre de l’alphabet grec, Alpha étant réservé à une autre marque qui n’appartient pas encore au groupe Fiat, c’est donc au tour de Gamma de servir de nom à la future production de Turin. La nouvelle venue est un modèle de haute stature qui vient remplacer les Flavia. Il y a un mélange de renouveau et de tradition dans sa conception.
La nouvelle Gamma est une sorte de suite logique aux dernières années de Lancia. Cette nouvelle berline ne veut rien devoir à la maison mère et veut surtout respecter les dernières traditions de la marque. Les moteurs sont entièrement nouveaux et n’ont donc aucun lien de parenté avec un autre que ce soit chez Lancia ou Fiat (contrairement aux Beta). Un bloc à 4 cylindres à plat opposés (moteur de type boxer comme sur les Alfasud contemporaines mais en position longitudinale et non transversale comme l’Alfa) est proposé en 2 cylindrées, un 2,5l qui est la motorisation standard et un 2,0l réservé au marché italien à l’origine. Ce moteur plus petit est une sorte d’avatar résultant du système fiscal italien qui ne favorise pas du tout les motorisations de plus de 2,0l de cylindrées, les surtaxant à 38%. Il sera par la suite distribué en dehors de ses terres natales ou plus exactement importé. Le bloc est plus compact et plus léger qu la plus part de ses contemporains. Les moteurs boxer étaient abandonnés depuis la fin de la production des Fulvia après avoir connu des années de succès au sein de la gamme. Le bloc ainsi que la culasse sont en alliage léger avec un arbre à cames en tête par rangée de cylindres. L’alimentation est confiée à un carburateur double corps Weber. Le 1999cc développe 115 ch contre 140 pour le 2484. Le 2,5l restera pendant 18 ans, le moteur boxer le plus gros jamais produit au monde. L’allumage est électronique.
Les 2 moteurs sont associés à une boite de vitesse à 5 rapports tous synchronisés, la 5ème étant plutôt une surmultipliée. Une boite automatique à 4 rapports viendra par la suite.
Il est intéressant de noter que le moteur devait être plus noble qu’un simple 4 cylindres. Ainsi Le v6 Fiat devait être utilisé sur la Gamma tout comme une version 6 cylindres du boxer avec une cylindrée de 3,0l a été étudiée mais n’a jamais été produite. Le chef motoriste, Di Virgilio a ainsi étudié plusieurs solutions. De même, le v6 Ferrari utilisé pour la Lancia Stratos aurait pu prendre place sous le long capot de la Gamma.
Bien entendu, cette Lancia est une traction puisque c’est une Lancia alors que le reste de la concurrence reste encore fidèle (à quelques exceptions près) à la propulsion à ce niveau de gamme.
La suspension est à 4 roues indépendantes et reprend le schéma très réussi de la Beta. Le freinage est à 4 disques avec double circuit, les disques avant étant du type ventilé. La direction assistée est fournie sur tous les modèles et provient de chez ZF.
Le chassis de la berline a un empattement de 2670mm alors que le coupé sera plus court, n’offrant que 2555 mm. La largeur est la même pour les 2 carrosseries avec 1730 mm. La hauteur de la berline culmine à 1410 mm alors que le coupé est plus bas sans pour autant paraître ramassé avec 1330 mm. Enfin la longueur est de 4580 mm pour la berline contre 4480 pour le coupé.
La sécurité a été une préoccupation très importante sur cette grande Lancia. Ainsi, le poids de la berline qui est d’environ 1330 kg est assez élevé (1290 pour le coupé) mais inaugure de nombreux renforts en particulier dans les portes, renforts qui seront 20 ans plus tard, à grands coups de publicité mis en avant par tous les constructeurs. Le réservoir de 63 litres est monté entre les roues arrières en retrait de l’arrière de la carrosserie.
Au niveau carrosserie, une berline et un coupé sont immédiatement sur les planches à dessin afin de remplacer les Flavia. Le dessin dans les 2 cas est du à Pininfarina qui, si sur le coupé a donné une ligne fluide et élégante, a mis des lignes un peu lourdes et qui seront un sujet de discussion sur la berline, principalement l’arrière. Si le coupé, dont la silhouette est due à Aldo Brovarone chef designer pour Pininfarina, est une très classique 3 portes, la berline innove en plus de son moteur par sa ligne à 5 portes, qui, sur des berlines de cette taille, reste minoritaire dans la production automobile de l’époque. L’arrière apparaît un peu massif pour une auto de ce gabarit.
L’élégance du coupé n’est pas sans rappeler le très réussit coupé Flamina.
La série 1 :
La présentation officielle de la Gamma se fait au salon de Genève 1976. Berline et coupé sont offerts aux regards de tous. Les premiers modèles à conduite à droite, toutefois ne seront pas produits avant 1978. Sur cette première série, seul le moteur de 2,5l est proposé à l’exportation. Le 2,0l est réservé au marché italien. La raison de cette motorisation réside dans une fiscalité différente pour les moteurs de plus de 2,0l qui surtaxe de 38% dans ce cas.
Ce n’est qu’en 1977 que le coupé devient disponible à la commercialisation. La production en est assurée, non pas par Lancia comme pour la berline, mais par Pininfarina sur ses chaînes de montages aux cotés des Ferrari 400 contemporaines.
Les jantes sont en 14 pouces pour cette première série sur tous les modèles, coupé ou berline. L’intérieur est en velours de série, le cuir étant une option.
Si la puissance des moteurs n’est spécialement saluée par le public, l’accent sur ces moteurs a été mis plutôt sur la disponibilité du couple. Il faut relativiser l’accueil un peu froid par le fait que le puissance par rapport à la cylindrée n’est pas ridicule bien au contraire. Toutefois des moteurs plus puissants et surtout plus nobles, comprenez avec plus de 4 cylindres, sont attendus mais ne viendront jamais.
Le volume du coffre n’est pas exceptionnel si on considère la taille de la voiture et les rangements assez peu nombreux et pas toujours très pratiques.
Berline de série 1
Coupé de série 1
Durant la vie de cette première série, il y a eu de petites modifications sur le plan mécanique. L’optimisation de 2 points faibles s’est faite sur le système de refroidissement et sur les courroies. Le diamètre des soupapes est revu durant l’année 1979 pour gagner 1mm.
A noter que les derniers coupés de série 1 ont eu un motif différent sur les sièges et les panneaux de portes.
La série 2 :
A partir de 1980 débute la série 2 des Gamma avec une remise au goût du jour discrète des carrosseries. Le changement le plus facile à repérer est la calandre, qui, comme sur l’ensemble de la gamme Lancia, prend des faux airs de Delta.
L’intérieur des 2 Gamma est revisité avec un nouveau tableau de bord, un nouveau volant perdant et un nouveau pommeau de levier de vitesse. L’intérieur des coupés est celui des toutes dernières séries 1 et les berlines changent aussi leur revêtement. Un nouveau velours fait son entrée dans les Gamma tout comme dans la gamme Lancia : le Zegna. Il se révèlera un peu fragile avec le temps, surtout à cause d’une décoloration importante. C’est d’autant plus dommage que sa douceur et son aspect en neuf étaient très flatteurs. Les intérieurs cuir seront rarement pris en option.
Quelques rares versions ont reçus un toit ouvrant d’origine. Les jantes passent à 15 pouces au lieu des 14.
Une injection mécanique Bosh est adaptée sur le 2,5l, la puissance restant inchangée. Le diamètre des soupapes sera revu à la hausse, tout comme pour certains derniers moteurs de la série 1. Le 2,5l ie pour l’exportation, va devenir le seul disponible sur certains marchés comme l’Angleterre alors que dans d’autres, la version à carburateur pourra encore être commandée pendant quelques mois. Les chiffres de consommation sont en baisse alors que le couple et la disponibilité du moteur sont encore en progrès.
A partir de 1983, les 2 moteurs peuvent recevoir en option une boite automatique à 4 rapports qui manquait sur un tel modèle haut de gamme. De nombreux modèles ont été convertis en boite manuel à cause de la fragilité de cette boite qui nécessitait un entretien et une utilisation au dessus de tout soupçon.
Berline de série 2
Coupé de série 2
La conduite selon les essais de l’époque :
Les performances sont plutôt bonnes sur les versions 2,5l et certains diront mêmes élevées. Si la 5ème est un peu longue (c’est une surmultipliée) il suffit de rétrograder pour retrouver du tonus. Le couple est aussi apprécié laissant un moteur disponible à pratiquement tous les régimes. Le 400m départ arrêté est avalé en 17,3s et le 1000m en 32,2s. La boite est appréciée pour sa maniabilité, le verrouillage est un peu ferme mais la sélection se fait toujours clairement. Par contre le pommeau des séries 1 ne laisse pas toujours de bons souvenirs.
Les Gamma 2,5l peuvent être conduite de façon sportive aux dires des différents journalistes essayeurs de l’époque.
La consommation moyenne est d’environ 12l. A 90 km/h elle est de 9l, passe à 17,2l à 130 km/h pour monter jusque 17,2 à 160 km/h. Aux alentours de la vitesse maximale (195 km/h), il faut par contre compter un bon 26l.
Les qualités routières de la Gamma sont encore un cran au dessus de la Beta qui étaient déjà bonnes. La tenue de route même en conduite sportive est nette, sans flou ou balourd sans la direction. Les virages sérés ou la pluie n’entament pas le plaisir de conduire car plaisir il y a. la maniabilité est très bonne grâce à une très bonne direction assistée. Tout ceci est complété par un freinage endurant et puissant malgré le poids de l’auto.
Un petit reproche sur la visibilité arrière qui n’est pas très bonne en raison d’un hayon remontant très haut et laissant une vitre arrière pas assez grande. Par contre le rétroviseur à commande électrique est apprécié, sa commande se trouvant sur la console centrale avec celles des vitres électriques.
L’éclairage de nuit est aussi salué pour son efficacité et pour son réglage automatique signé Cibié.
Les suspensions sont un peu fermes pour une grande berline, une dureté toutefois rassurante car au fur et à mesure que l’auto prend de la vitesse, c’est dureté laisse place à une certaine souplesse. Un compromis entre la mollesse à la française et la dureté allemande. La voiture en charge se comporte aussi très bien.
L’insonorisation est très réussie mais quand on tire dans les tours on entend gronder le moteur mais c’est avec une sonorité assez joueuse et particulière aux moteurs boxer.
L’habitabilité est bonne à l’avant comme à l’arrière avec la possibilité de voyager à son aise. Les sièges ont un dessin axé sur le confort et multi réglables. Les appuis têtes sont un plus. Les larges portes permettent un bon accès à l’arrière, ce qui n’est pas si fréquent même sur d’aussi grosses voitures. Toutefois la capacité du coffre ainsi que les rangements disponibles dans la voiture ne sont pas des plus volumineux.
La finition est soignée et l’équipement complet. Le style Beta par contre des premières séries n’est pas toujours bien vu. Il n’est pas toujours évident de lire les instructions du tableau de bord. Le volant est réglable en hauteur. Pour juger de l’équipement, les 4 vitres électriques sont de série tout comme les rideaux pare soleil à l’arrière, les essuis glace à 2 vitesses + une intermittente ou les feux d’ouvertures de portes.
Le ventilateur de l’habitacle est jugé un peu bruyant, la boite à gant un peu petite, les poignées d’ouverture de portes intérieurs mal fichues et le passage en vitesse maxi des balais d’essuis glace peu pratique (par un bouton poussoir comme les Beta). Les reproches sont peu nombreux sur cet intérieur assez ergonomique même si le volant masque un peu l’instrumentation et l’horloge est assez mal placée.
Le détail qui tue : une jauge à huile automatique. Il suffit d’appuyer sur un bouton pour vérifier son niveau d’huile quand on est assis confortablement dans son siège.
Fiches techniques moteurs :
Gamma 2000 : moteur type 830A2.000
Produite de 1976 à 1983
1999 cc, 120 ch, vitesse max 185 km/h
Alimentation par carburateur double corps Weber
Couple de 172 NM à 3500 t/mn
Berline série 1 boite manuelle : type 830AB.2
Berline série 2 boite manuelle : type 830AB2/2
Berline série 2 boite automatique : type 830AB2/2A
Coupé série 1 boite manuelle : type 830AC.2
Coupé série 2 boite manuelle : type 830AC2/2
Coupé série 2 boite automatique : type 830A2.000
Gamma 2500 : moteur type 830A.000
Produite de 1976 à 1983
2484 cc, 140 ch, vitesse max 195 km/h
Alimentation par carburateur double corps Weber
Couple de 208 NM à 3000 t/mn
Berline série 1 boite manuelle : type 830AB.0
Berline série 2 boite manuelle : type 830AB0/1
Berline série 2 boite automatique : type 830AB0/1A
Coupé série 1 boite manuelle : type 830AC.0
Coupé série 2 boite manuelle : type 830AC0/1
Coupé série 2 boite automatique : type 830AC0/1A
Gamma 2500 ie : moteur type 830A4.000
Produite de 1980 à 1984
2484 cc, 140 ch, vitesse max 200 km/h
Alimentation par injection électronique Bosh
Couple de 212 NM à 3000 t/mn
Berline série 2 boite manuelle : type 830AB0/4
Berline série 2 boite automatique : type 830AB4/A
Coupé série 2 boite manuelle : type 830AC0/4
Coupé série 2 boite automatique : type 830AC4/A
La fiabilité :
La fiabilité des Gamma a très souvent été critiquée. Il y a des points faibles qui ont littéralement pourris la réputation, parfois à tord, de la Gamma, toutefois, certains détails sont critiques pour la bonne survie d’une Gamma.
Dans les points à surveiller, on peut citer les courroies dont l’usure est assez rapide. Attention à la courroie du coté gauche qui entraîne à la fois la distribution sur 2 cylindres et la pompe de direction assistée. Il faut absolument éviter de laisser une Gamma avec les roues braquées à l’arrêt car au démarrage, la contrainte est si forte, que la casse est irrémédiable. Ce détail a été revu par la suite avec l’ajout d’un tendeur sur cette courroie mais le problème demeure, même si c’est dans une moindre mesure. Le changement des courroies est donc impératif avec une moyenne de 3 ans ou 60 000 km selon Lancia. Il vaut même mieux descendre à 40 000 km. Certains ont migrés la pompe de direction assistée la couplant avec la climatisation.
La lubrification est aussi très importante sur les Gamma surtout quand elles ont été stoppées pendant plusieurs heures. Le démarrage à froid ne pose pas de soucis mais il faut attendre que l’huile remonte parfaitement dans le moteur et soit distribuée : temps de chauffe obligatoire. Une huile de synthèse ou semi synthèse s’impose tous les 10 000 km. Si une huile minérale est utilisée, il vaut mieux la changer tous les 5 000 km. Le filtre à huile n’est pas à négliger non plus avec changement à chaque vidange.
Le système de refroidissement est lui aussi sujet à critique. Les cas de joints de culasse mort à cause d’une surchauffe ne sont pas rares. En plus les pompes à eau ont du mal à suivre plus de 10 ans.
Pas de soucis avec l’injection Bosh mais attention à ce qu’elle ne prenne pas l’eau.
Les boites manuelles sont réputées increvables si leur vidange est faite régulièrement tous les 20 000 km. Les boites automatiques, par contre, ont très mauvaise réputation. Les changements en garantie ont été nombreux et le passage à une boite manuel courrant. Le niveau doit être contrôlé tous les 10 000 km. Cela peu se faire à chaud ou à froid mais il faut respecter une procédure très scrupuleusement. L’embrayage peut être remplacé par un de Beta Volumex ou de certaines Thema.
Les pneus sont en 185/70HR14 sur les séries 1 et en 195/60HR15 sur les séries 2.
Les disques de freins avant peuvent être remplacés par ceux de certaines CX ou Nissan après adaptation : coût divisé par 2 ! Attention aux suspensions. Les amortisseurs sont réputes introuvables.
Les vitres électriques sont de série sur tous les modèles, jusqu’à l’arrière pour les berlines. Il est fréquent que leur fonctionnement soit lent. Il est plus simple de mettre d’autres moteurs que de traquer un problème de contact. Trouver un pare brise n’est pas simple.
La pompe à carburant électrique des séries 1 n’est plus disponible en pièce mais il est possible d’adapter celle d’une Beta. La pompe d’une version injection est possible à trouver mais à un prix de fou ! Celle d’une Jaguar 4,2l XJ6 semble être la même pour moins cher, moyennant adaptation.
L’échappement est disponible mais hors de prix.
Enfin, bonne pioche en ce qui concerne la corrosion qui affecte assez peu les Gamma, un peu plus les coupés mais dans une proportion assez faible. Heureusement car les pièces de carrosserie sont rares mais pas introuvables. Une auto pour pièce n’est pas un mauvais investissement, surtout dans le cas de la berline car le prix est très faible. Toutefois attention aux bas de caisse, aux entourages de phares et derrière au niveau de leurs fixations ainsi que l’entourage des vitres avant et arrière.
Le meilleur conseil est donc d’être très attentif à l’achat et de s’entourer des conseils de gens qui connaissent le modèle pour que la passion si particulière que suscite la Lancia Gamma ne se transforme pas en cauchemar.