
Retour au haut de gamme :
Durant les années 60, l'Alfa Romeo Giulia connait un très bon succès commercial poussant la marque à lancer le projet d'une automobile de classe supérieure qui puisse satisfaire une clientèle plus exigeante, mais aussi répondre à la demande du cahier des charges des automobiles ministérielles. Avec des finances au beau fixe, il est temps pour Alfa de reprendre sa place dans la catégorie haut de gamme qui avait été abandonnée depuis la fin de production en 1962, des Alfa Romeo 1900 et 2000. Ces berlines, fabriquées semi artisanalement, se sont avérées peu rentables mais apportaient énormément en terme d’image.
Soutenir la comparaison avec des entreprises étrangères comme Mercedes ou Jaguar, exclusivement axées sur la production de ce type de voitures, peut se révéler trop couteux si les volumes de vente ne suivent pas. L’idée est de reprendre le projet 105 de la Giulia et de l’adapter à une berline plus grande, plus statutaire et mieux motorisée.

Grosse Giulia :
Pour créer son nouveau fleuron, la direction d'Alfa Romeo en la personne de Giuseppe Luraghi, opte pour une stratégie purement commerciale. Il suffit d’utiliser le châssis de la Giulia, désormais éprouvé et rentabilité depuis sa sortie en 1962, pour y apporter des modifications techniques et esthétiques adaptées à l'accueil de moteurs de cylindrée supérieure et, dans tous les cas, compatibles avec les nouvelles lignes de production de l'usine d'Arese. Ce nouveau projet doit se contenter d’un budget moins important que par le passé.
Le nom de cette nouvelle berline est donné par son moteur, comme l’ancienne tradition chez Alfa le veut. Elle sera la 1750 (Millesettecinquanta) car son groupe motopropulseur provient de la Giulia GT Veloce 1750. Le nom initialement choisi et révélé à la presse spécialisée était Giulia 1800. Il a ensuite été décidé que pour donner plus de prestige et se démarquer de la Giulia, il valait mieux différencier la nouvelle venue. La 1750 fait en plus référence à la 6C 1750 des années 30.

Le bloc moteur est, à l’origine, le 1,6l (1 570 cc) de la Giulia avec une légère augmentation de l'alésage et une augmentation plus importante de la course pour donner un nouveau 4 cylindres double arbre de 1 779 cc (80x88,5). Il est alimenté par 2 carburateurs Weber ou Dellorto pour produire 115 ch DIN à 5 500 t/m ou 132 SAE. Le couple de 186 Nm est atteint à 2 800 t/m. Il est équipé de chambres hémisphériques. Le bloc est classiquement monté de façon longitudinale et envoie le mouvement aux roues arrière via une boite de vitesse manuelle à 5 rapports. Le 5ème rapport est de type surmultiplié et non pas en prise directe. Il faut rappeler qu’à l’époque, une transmission à 5 vitesses sur une berline était une chose encore rare, pour ne pas dire exceptionnelle. On trouvait facilement une boîte à 4 rapports aidée, dans quelques cas seulement, d’un overdrive.
Elle atteint 180 km/h en vitesse maxi.
Le moteur est l’œuvre d’Orazio Satta Puliga, entré chez Alfa Romeo en 1938.

La 1750 se pare d’une carrosserie dessinée par Bertone. Le dessin est plutôt sage, d’une sobriété de bon aloi qui lui confère une forme d’élégance à défaut de soulever les passions. Elle présente une carrosserie moins torturée que la Giulia. Les flancs sont composés de 2 plis qui animent la caisse, l’inférieur tracé depuis le bas de l’arrière coiffe l’arche de roue et rejoint, affiné, le bas de la calandre. Le pli supérieur signe la ligne de caisse. Ainsi, la courbe habite peu le dessin de l’auto, si ce n’est à l’arche avant et aux plis du pavillon. Le montant arrière, large, assoit la dynamique dominée par l’horizontale. Le pare-brise provient directement de la Giulia. La carrosserie autoportante conserve une structure à déformation progressive comme sur la Giulia.
Elle repose sur un empattement augmenté de 6 cm au profit des passagers arrière. Ses 2 porte-à-faux sont aussi allongés de 6,2 cm sur l’arrière et 12,8 cm sur avant lui donnant une longueur accrue de 25 cm, la faisant passer dans la catégorie supérieure. La largeur et la hauteur sont similaires aux dimensions de la Giulia mais la 1750 affiche 100 kg de plus avec 1 110 kg.
Elle mesure 4 ,390 m de long sur une hauteur de 1,430m pour une largeur de 1,565m et repose sur un empattement de 2,570m.


Pour son intérieur Alfa reprend tous ses canons de styles spécifiques. On trouve sur la planche de bord, détachés des autres instruments, 2 gros cadrans très lisibles, renseignant le conducteur sur la vitesse et le régime du moteur. Les autres 4 compteurs sont répartis sur 2 étages au niveau de la console centrale. Sur le plan supérieur ont été placés l’indicateur de niveau de carburant ainsi que le thermomètre d’eau. En dessous d’eux, prennent place la montre électrique ainsi que le manomètre de pression d’huile.
Au sol, le pédalier est articulé depuis le plancher pour l’embrayage et le frein alors que l’accélérateur est suspendu. Le volant est de grand diamètre et tulipé à trois branches en plastique. Le bois étalé sur la planche de bord contribue beaucoup à l’ambiance chaleureuse.




Du côté du châssis, à l’avant la suspension fait appel à des bras transversaux alors qu’à l’arrière, on trouve un essieu rigide combiné à des ressorts hélicoïdaux. Les 2 trains reçoivent le renfort d’une barre stabilisatrice destinée à limiter les mouvements de caisse. La direction, de type à vis oblique et galets et privée d’assistance, offre malgré sa rusticité, un diamètre de braquage court.
Conformément à la tradition de la marque, le freinage est assuré par 4 disques pleins et bénéficie d’une assistance ainsi que d’un répartiteur agissant sur les roues arrière. Enfin, le contact avec la route est assuré par des pneus de 165x14, fournis en première monte par Kleber Colombes (V10), Pirelli (Cinturato) ou Michelin (XAS), le client ayant le choix du manufacturier à l’époque.
Les principales différences techniques par rapport à la Giulia concernent la commande hydraulique de l'embrayage, l'alternateur à la place de la dynamo, l'ajout d'un limiteur de couple sur le système de freinage pour éviter le blocage des roues arrière et l'amélioration des réglages, en plus des jantes de 14 pouces que les Giulia s’apprêtent à adopter.



La 1750 se pose en alternative crédible face à l’Audi 90, la BMW 2000, la Citroën DS 21, la Ford Taunus 20M TS, la Mercedes 200, l’Opel Commodore GS, la Peugeot 404 à injection ou la Volvo 144 S.
1750 : 1968 - 1971 :
L’annonce de la commercialisation de la 1750 à la presse intervient lors d'une conférence de presse au Salon de l'automobile de Turin, le 31 octobre 1967. Conformément à la tradition de l'entreprise, les voitures sont présentées en avant-première à la presse internationale le 14 janvier 1968, réunie pour l'occasion à Vietri, sur la côte amalfitaine. La présentation officielle au public a lieu le 17 janvier 1968 en même temps que le coupé 1750 GT Veloce et que le Spider Veloce, équipés du même moteur.
La presse apprécie le moteur souple et puissant. Les journalistes la définissent comme une routière rapide, docile et sûre mais aux suspensions fermes, maniable et disciplinée pour reprendre chacun de ses qualificatifs. Le freinage, l’absence de bruits dits aérodynamiques à haute vitesse sont particulièrement mis en avant.
En revanche, en poussant l’auto dans ses retranchements, la suspension avoue vite ses limites de conception avec des talonnements, une tendance à sautiller et des sursauts de l’arrière. La tenue de route sur route humide peut aussi donner des sueurs froides.
Il apparait que la 1750 n’est pas une grosse Giulia à la conduite mais bien une autre voiture.
Elle est vendue 18 750 francs en 1968, soit le prix d’une DS 20 (103 ch DIN), à rapporter aux 13 100 francs de la toute nouvelle Peugeot 504 GL de 82 ch.
Les berlines capables d’atteindre 180 km/h ne sont pas légions à la fin des années 60 avec un moteur de 1,8l. La Peugeot 504 injection (1 796 cc / 97 ch DIN) est assez loin en terme de performances. Même la Lancia Flavia 1800 ne saurait la suivre (1 816 cc / 92 ch) dans le seul registre de performances pures. Fiat et sa 125 lui oppose un 1,6l (1 608 cc) de 90 ch puis 100 en version Spécial, s’inscrivant un cran en-dessous, notamment en termes de distinction. Il faut aller chercher une BMW 1800 TI (1 773 cc et 110 ch) et surtout TI/SA (130 ch) pour être comparable.
Et les modèles équipés d’une boite à 5 rapports en série ne sont pas nombreux non plus.
La version destinée aux États-Unis sort courant 1969. La 1750 y remplace la Giulia. Les versions USA ont des clignotants et des feux arrière différents.
Elle est équipée d'un système d'injection mécanique Spica, similaire à celui de l'Alfa Romeo Montreal, qui permet de satisfaire aux normes antipollution américaines avec une perte de puissance de 10 ch. Ce système permet une réduction significative de la consommation de carburant. La version USA peut facilement se contenter de 9l aux 100 pour une utilisation au quotidien contre plus de 12 pour la version européenne à carburateur. On retrouvera cette injection ultérieurement sur les Berlina 2000 et Alfetta en version USA jusqu'en 1981.




La première année de commercialisation se solde par 29 000 exemplaires produits dont 141 à injection mécanique Spica.
Dès 1969, durant le Salon automobile de Turin d’octobre, la 1750 évolue en en série 2. Elle bénéficie de quelques retouches et améliorations fonctionnelles ou esthétiques. Les clignotants avant changent tout comme les répétiteurs sur les ailes avant alors que le volant est désormais en bois. La pédale d’accélérateur qui était articulé sur le plancher est désormais suspendue. Les enjoliveurs changent de dessin.



La 1750 peut recevoir une boîte automatique ZF à trois rapports en 1971. Cette option, guère plébiscitée, n’a été vendue qu’à 252 exemplaires. Certaines Berlina 1750A ne portaient pas la plaque signalétique avec la date de production gravée. La boîte automatique n'était pas adaptée au moteur en raison de changements de vitesse laborieux et d'un rapport de démultiplication mal choisi. De ce fait, sa consommation de carburant était effarante et ses accélérations un peu trop lentes.
La 1750 se retire dès la mi 1971 pour laisser la place à une évolution, la 2000. Elle a été produite à 49 986 exemplaires en série 1 puis 40 758 en série 2. On dénombre 11 136 Berlina 1750 produites avec l’injection. Quelques 83 Berlina 1750 ont tout de même été assemblées en 1972.
L’Alfetta, à son lancement en 1972, permet de remplacer la 1750 dans une version plus moderne esthétiquement dans la gamme du constructeur.
2000 : 1971 - 1977 :
En Juin 1971, lance la 2000. Il s’agit d’une évolution de la 1750 qui n’est autre qu’un tour de marketing. À cette époque, il fallait disposer d'un modèle avec une motorisation de 2,0 litres pour faire partie de la référence européenne du "Club des 2 litres".
Si la 2000 porte ce nom, c’est bien entendu grâce à son moteur. Celui-ci est une nouvelle évolution de celui de la 1750 qui passe à 1 962 cc grâce à une augmentation de 4 mm de l'alésage. Alimenté par 2 carburateurs double corps Dell'Orto DHLA 40, il développe une puissance très élevée, pour l'époque, de 132 ch DIN. La vitesse maximum atteint les 195 km/h et l'accélération de 0 à 100 km/h est inférieure à 9 secondes. Un différentiel autobloquant fourni par ZF et taré à 25 % est disponible en option. Le poids total passe à 1 175 kg.
Ce nouveau moteur est également monté sur des modèles dérivés de la Giulia comme le coupé GT et le Spider Duetto.

La 2000 ne bénéficie que de quelques retouches esthétiques. A l'avant, des doubles phares de même dimension prennent place, l'écusson Alfa Romeo est élargi et les feux arrière sont agrandis. L'aménagement intérieur bénéficie de changements plus importants visant à augmenter le confort des passagers. Les sièges en velours, les moquettes plus épaisses et l’ajout de plus de bois apportent plus de luxe. L'instrumentation est plus large et plus complète, avec des graphismes plus raffinés et un réglage de la luminosité. La liste des accessoires payants s'élargit et comprend désormais des appuie-têtes avant, une lunette arrière chauffante, une peinture métallisée, des jantes en alliage et la climatisation.





Une version avec boîte de vitesses automatique a aussi été fabriquée, surtout destinée être exportée aux États-Unis, malgré son manque de succès sur la 1750.

La Berlina 2000, aux spécifications fédérales (USA), a été produite de 1972 à 1974, le reste du stock étant vendu jusqu'en 1976. Pour les États-Unis, le moteur est toujours équipé d'une injection mécanique, les derniers modèles recevant un pot catalytique.




Les derniers modèles américains recevaient également des pare-chocs de sécurité en caoutchouc noir avec un ruban chromé central. On dénombre 3 395 Berlina 2000 vendues aux États-Unis, dont 1 453 auraient reçu un pot catalytique.


Après avoir été produite à 89 840 exemplaires dont 2 200 unités équipées de la boîte auto, la 2000 est remplacée en 1977 par l'Alfetta 2,0l fraichement lancée.
Les berlines 1750 et 2000 représentent en tout 191 720 modèles produits. Ces chiffres de production incluent les 5 764 modèles avec volant à droite produits depuis l'assemblage en CKD en Afrique du Sud par la filiale locale Alfa Romeo South Africa à partir de 1969.
Les caractéristiques techniques :
1750 : 1968 – 1971
4 cylindres en ligne chambres hémisphériques
1 779 cm3 - Alésage x course = 80 x 88,5 mm
2 soupapes au sodium, deux arbres à cames en tête et double chaine
2 carburateurs horizontaux double corps Weber 40-DCOE 32
115 ch DIN - 132 ch SAE à 5 500 tr/min
186 Nm SAE à 3 000 tr/min
180 km/h
0 à 100 en 10,2s
2000 : 1971 – 1977
4 cylindres en ligne chambres hémisphériques
1 962 cm3 - Alésage x course = 84 x 88,5 mm
2 soupapes au sodium, deux arbres à cames en tête et double chaine
2 carburateurs horizontaux double corps Solex C40-DDH5 ou Dell'Orto DHLA 40 ou Weber
132 ch DIN à 5 500 tr/min
176 Nm DIN à 3 000 tr/min
192 km/h
0 à 100 en 8,7s
Berlina Giardinetta :
La Carrozzeria Pavesi produit une 1750 Giardinetta Veloce pour Automil, un important concessionnaire Alfa Romeo à Milan. Proposée au public en mai 1968, la voiture présente une modification réussie de l'arrière, qui n'alourdit pas les flancs, et des solutions intéressantes telles que la porte de malle arrière en deux parties longitudinales, équipée d'une lunette arrière chauffante, et le toit ouvrant électrique, également appliqué aux vitres.
Très peu d'exemplaires ont été produits, compte tenu du succès limité rencontré par les breaks à cette époque, surtout sur un véhicule de luxe. De plus, le prix supérieur de 35 % à la berline a limité l’intérêt de ce modèle.

À cette époque, Pavesi a aussi mis à profit son savoir-faire acquis dans la production d'ambulances rapides ou de véhicules d'urgence pour les pompiers, en allongeant considérablement le porte-à-faux arrière de Berlina 2000.

Berlina 2000 antincendio :
Produite par Alfa Romeo en un seul exemplaire pour les pompiers de l'entreprise, Alfa Roméo a osé produire une variante pick up sur base de 2000. Équipé d'une échelle télescopique et de 2 réservoirs de poudre, le véhicule a ensuite été offert aux pompiers de l'aéroport de Linate. La 2000 antincendio est aujourd'hui conservé au Musée historique des pompiers de Milan.
